La méditation et la place de l'égo
3ème article du programme l'entreprise en conscience
Dans mon précédent article, j’avais fait la distinction entre deux approches de la méditation : celle conventionnelle, dite laïque, et celle plus « spacieuse » dite spirituelle.
Avant d’aborder ces thèmes de manière plus approfondie, un mot cependant sur la place de l’égo dans la mesure où l’une des tâches principales dans la méditation, c’est bien de venir à bout de notre égo.
Ce vilain petit canard qui constitue notre égo
Nous fonctionnons un peu comme une ampoule montée sur courant alternatif. L’ampoule c’est l’ego, le besoin d’exister. Si on se prend pour une ampoule, il va falloir sérieusement s’en occuper.
L’égo se situe en permanence à cheval entre trois positions : l’attraction, la répulsion et l’indifférence. C’est notre mode habituel de pilotage automatique. L’esprit n’arrive pas à se stabiliser dans le présent. La position Méta, il ne connait pas !
Et c’est une « véritable constipation mentale » comme le rappelle Bernard LEBLANC-HALMOS dans l’un de ses ouvrages, et c’est bien là notre principal problème.
Tant que nous n’aurons pas pris en considération cette donnée, parler de bienveillance n’a tout simplement pas de sens.
Pourquoi ? Tout simplement parce que dans nos actions, quelles qu’elles soient l’égo est présent. Il s’enferme dans son quartier de haute sécurité avec des barbelés partout ! Il porte un masque. De plus, il a toujours une idée derrière la tête qui fait passer son intérêt avant celui des autres. L’orgueil y est en position dominante. Comme le dit le Gyalwang Drukpa, l’un des grands maîtres du bouddhisme tibétain, : « l’orgueil nous tient en laisse, et le cours du fleuve des qualités s’en trouve perturbé ».
Qui dit moi dit égo. Et c’est l’une des caractéristiques majeures de notre société hélas ! que de mettre son ego en valeur. Dès l’école on booste l’égo. Notre ego constitue notre piège le plus fondamental ; il sait remarquablement jouer avec nous. Il est omniprésent !
Lors d’une conférence publique à Lausanne, le philosophe Alexandre JOLLIEN l’avait décrit de manière facétieuse : « un jour, un spermatozoïde rencontre un ovule. Le résultat : c’est moi ! et c’est là où ça foire » !
L’Ego dans une vision spirituelle, est vu comme ce qui nous empêche d'atteindre une réelle profondeur. Il constitue en plus, une véritable barrière dans notre communication avec les autres.
Arnaud DESJARDINS qu’il n’est pas utile de présenter ici classe d’ailleurs et à juste titre l’ego dans le champ des émotions : « la première émotion - dit-il - , la plus fondamentale c’est le sentiment de l’ego, c’est la naissance de la dualité de l’observateur et de l’observé, du sujet et de l’objet ».
Les différences philosophique entre les 2 types de méditation
La « méditation laïque » repose sur une existence véritable de l’individu et le mieux que l’on puisse faire dans cette perspective, c’est d’améliorer au cours de notre vie, notre quotidien et c’est déjà pas si mal !
La méditation spirituelle implique une autre philosophie : l’existence d’une conscience individuelle qui n’a pas de réalité en soi. Exemple : une table n’a pas de réalité en soi, elle n’existe que sur le plan relatif par le jeu de causes et de conditions. Sur ce plan, c’est un assemblage de particules, (réalité relative) au-delà on entre dans la réalité absolue. C’est pareil pour nous autres humains. C’est bien ce que confirme la plupart des recherches menées notamment par les sciences cognitives, les neurosciences, les sciences physiques et plus particulièrement, la physique quantique. Nous sommes ici en définitive bien au-delà de l’individualité.
Il s’agit bien de 2 approches fort différentes. On emploie d’ailleurs plus souvent l’expression de « Pleine Conscience » pour la méditation laïque qui a pour objectif d’améliorer notre quotidien (surmonter le stress, l’anxiété, la douleur, la maladie...) C’est donc une approche thérapeutique qui est malgré tout séduisante et qu’il ne faut pas négliger.
Vu sous l’angle des neurosciences comme le précise Philippe Damier, professeur de neurologie au CHU de Nantes, à propos de problématiques managériales, « la méditation vise à l’obtention du contrôle des capacités attentionnelles » (extrait de son livre : Décider en toute connaissance de soi).
Si la « méditation laïque » produit des effets, est-ce le seul objectif que nous devons poursuivre ? Nous recherchons le bonheur à tout prix sans prendre la peine de savoir ce qu’il est dans sa réalité la plus profonde, c’est-à-dire, absolue.
Epictète disait en son temps :« A s’engager dans une poursuite immodérée du bonheur ça pourrait bien rendre les gens non pas heureux mais misérables ».
C’est tellement vrai qu’on nous propose pour demain une société en quête d’immortalité avec l’Intelligence Artificielle. L’un des ouvrages de Yuval Noah HARARI dit à ce propos, ceci : « Une quête démesurée qui serait une absurdité, une erreur historique, mais l’histoire du monde fourmillent de graves erreurs ».
Les enseignements bouddhistes mettent cela en évidence : c’est « notre désir compulsif d’exister pour finalement tourner en rond comme une abeille enfermée dans un bocal ».
Est-ce que ça ne serait pas notre réalité, quand on y réfléchit un instant ? Cette soif d’exister, c’est aussi l’espoir d’une permanence, là où tout est impermanent. Et cet espoir de permanence est la cause de nos souffrances. Pourtant, tout autour de nous nous montre l’impermanence des choses. C'est une réalité parfois difficile à regarder ! La nature nous le montre au quotidien.
C’est un chemin long et difficile dans lequel il faut être prêts à s'engager !
Commencer par pratiquer la méditation laïque est un bon début. Le temps viendra où avec la dissolution progressive de l’égo, nous éprouverons naturellement le désir d’aller plus loin.
Rappelons-nous que le but, c’est le chemin.
Jean-Pierre MECHIN